UNE TRANSE HYPNOTIQUE, C’EST (AUSSI) SEXY
La transe est pour certaines personnes une expérience érotique en soit. Pour certaines personnes ayant un “kink” pour l’hypnose, le processus d’amener quelqu’un en transe ou d’être hypnotisé suffit à produire de l’excitation. Internet a permis à des communautés de déviants partageant ce même “kink” de se réunir, d’explorer l’hypnose de façon sexuelle. Mais qu’est-ce la transe hypnotique a t-elle donc de sexy ?
En dehors de ces communautés anglophones en ligne (qui manquent cruellement dans le pays de la Tour Eiffel et du fromage odorant), il est très rare de rencontrer des personnes désireuses de parler d’hypnose érotique. En rejoignant des groupes d’hypnose traditionnelle (hypnose thérapeutique, hypnose de spectacle, hypnose de rue), j’ai pu remarquer à quel point le sujet de l’hypnose érotique est un sujet tabou. Je me rappelle d’une vidéo Youtube partagée par le modérateur d’un grand groupe Facebook d’hypnose francophone qui m’a fait réalisé l’ampleur de l’ignorance et des préjugés sur ce type d’hypnose par de nombreux professionnels de cette discipline. La vidéo montrait un hypnotiseur en train de donner un orgasme hypnotique à une femme devant un public adulte lors ce qui semblait clairement être un événement d’hypnose de spectacle érotique. La vidéo était vraiment gênante, c’est sûr. L’attitude de l’hypnotiseur m’as mise très mal à l’aise. Sa façon de tripoter son sujet féminin devant un public qui avait l’air de se faire royalement chier était extrêmement gênant à regarder (je n’imagine même pas ce que c’était de l’expérimenter …).
Mais ce qui m’a interpellé, ce sont les commentaire en dessous de ce post qui critiquaient le fait de mélanger hypnose et érotisme comme si c’était une chose affreuse même dans un cadre complètement consensuel. Leurs propos illustraient surtout leur peur que l’hypnose utilisée dans un cadre érotique soit associée au travail du sexe (comme pour les personnes exerçant en tant que masseuses qui doivent maintenant faire face à des demandes de finition manuelle la part de leur clientèle). Un amalgame qui pourrait nuire à une profession déjà stigmatisée, ne serait-ce parce qu’elle est peu réglementée, que la plupart des formations d’hypnose ne sont reconnues par l’état mais aussi à cause des stéréotypes sur l’hypnose qui demeurent très présents dans l’inconscient collectif.
Pourtant, l’hypnose a un potentiel érotique tel qu’il est très facile d’exploiter une transe de cette manière. La transe est un état mental où l’esprit conscient (permettant d’analyser, de réfléchir) est amené à se mettre en retrait. Quand la conscience est altérée, cela permet à la personne en charge d’hypnotiser de communiquer directement avec le subconscient de son sujet. Le subconscient se situe dans l’inconscient, une partie mystérieuse représentant 80% du cerveau qui est également très peu utilisée. Et dans un état de transe, une personne hypnotisée est plus réceptive aux paroles d’une autre personne mais également au toucher de celle-ci. La réceptivité que crée une transe hypnotique est similaire à ce qu’il se produit lorsqu’une personne est excitée. L’excitation sexuelle est un état où notre capacité de réflexion est comme paralysée par nos sens qui sont alors exacerbés. Les sensations dominent sur la réflexion. Quand elle est provoquée par une autre personne dans l’objectif de nous faire prendre notre pieds, baisers, caresses, morsures, griffures deviennent des suggestions non verbales qui augmentent notre plaisir sexuel. Bref, l’excitation sexuelle est carrément un état de transe et les bisous, les caresses, les morsures, les griffures pour les plus kinky sont une sorte d’induction non structurée permettant d’induire la transe qu’est l’excitation sexuelle. Le parallèle entre transe et érotisme peut continuer car dans le BDSM, les personnes soumises et masochistes peuvent expérimenter une forme de transe profonde que l’on appelle “subspace” induit par la douleur, la contrainte (shibari, très souvent), ou même l’humiliation intense. La culture populaire dépeint principalement l’hypnose comme un moyen pour une personne malveillante d’en contrôler une autre innocente. Et parce que l’hypnose est décrié car associé à une forme de manipulation (ce qui est vrai mais ce n’est pas négatif en soi), utiliser l’hypnose dans un cadre sexuel ne peut qu’être une façon d’instrumentaliser le subconscient d’une autre personne pour abuser de celle-ci (de façon non consensuelle).
En tant que dominatrice, j’ai tendance à penser que la dynamique entre une personne qui hypnotise et un sujet hypnotique est une dynamique similaire à l’échange de pouvoir entre une personne dominante et une personne soumise. De la même façon qu’une personne dominante peut amener une personne soumise/masochiste dans un “subspace”, le but de la personne qui utilise l’hypnose est d’amener un sujet en transe. C’est également le moyen le plus populaire d’utiliser l’hypnose érotique. L’intimité, ce sentiment de connexion que l’hypnose peut amplifier est vraiment intense dans un cadre de D/S pour moi. Alors que la personne soumise sécurisée cesse de faire fonctionner son esprit critique pour le mettre sur pause, elle peut se concentrer sur les ordres de la personne qui la domine qui peut en faire ce qu’elle veut : l’humilier, la conditionner, la libérer. Et ça, c’est très très sexy.